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30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 23:57



Flaubert aurait aimé l'adaptation de Madame Bovary que nous a donnée Claude Chabrol, j'en suis persuadée. Il avait lui-même l'étoffe d'un prodigieux réalisateur, je ne suis pas la première à le souligner. D’ailleurs, il m’a semblé lire, lorsque j’ai vu le film sur grand écran à sa sortie, que Chabrol avait choisi de citer le nom de Gustave Flaubert dans le générique, en qualité de réalisateur de son propre film. Est-ce le fruit de mon imagination ?.Je n’ai pas eu l’occasion de revoir ce film admirable depuis, l’un des plus beaux et plus forts de Claude Chabrol, qui en compte pourtant de remarquables à son palmarès. Je n’ai donc pas eu le loisir de le vérifier.

Claude Chabrol réussi le tour de force de rester parfaitement fidèle à l’œuvre tout en y apportant un éclairage personnel. Il est rarissime de ne pas être déçu par l’adaptation d’une œuvre littéraire à l’écran.


Rodolphe,le premier amant d’Emma, est un tout petit monsieur, un don Juan de sous-préfecture, un coq de village fat et extrêmement limité à tous points de vue, un simple étalon et basta ! Quant au second, il ne mérite pas que l’on s’y attarde, c’est un pleutre.

Celui que j'aime dans ce roman, mon préféré entre tous, c'est Charles, vraiment. Même si « La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d'émotion, de rire ou de rêverie. », je l’aime quand même.

Charles n’est peut-être pas un beau ténébreux, mais un mal aimé, « veuf et insolé », sans aucun doute. Lui aussi, il meurt d'amour à la fin, ne l'oublions pas. C'est lui, l'autre victime de l'histoire et non la moindre. Il n'hésite pas à triompher de sa modestie et de son humilité naturelles pour tenter une opération vouée à l'échec. Lucide, il connaît ses limites mais s’efforce de les dépasser pour plaire à sa redoutable épouse, jamais contente, jamais satisfaite, quoiqu’il fasse. La troisième victime, c’est Berthe, l’enfant de ce couple mal assorti et voué à l’échec dès le début.

Je n'aime pas Emma. Flaubert me le pardonnera. Même s'il a dit "Madame Bovary, c'est moi". Il aurait pu parler ainsi de chacun de ses personnages, de chaque bruissement de feuille, de chaque nuage qui passe. Il était intensément ce qu’il décrivait si justement, si parfaitement et si somptueusement, au prix de tant de souffrances physiques et morales. Il suffit de lire sa « Correspondance » pour s’en convaincre. Respect.

Emma est une vulgaire petite égoïste, grandie par des passions qui la dépassent. Peu sensible aux souffrances des autres, elle soucie comme d’une guigne de son propre enfant, trop attentive aux soubresauts de son cœur de midinette pour se préoccuper une seconde du bien-être des siens, de ceux qui l’aiment vraiment, sans rien recevoir en retour. Elle préfère la fuite, après avoir précipité sa propre famille dans la ruine, à cause des folles dépenses destinées à complaire à ses bellâtres d’amants. Elle se rachète toutefois par une phrase : « Vous profitez impudemment de ma détresse, monsieur ! Je suis à plaindre mais pas à vendre ! »

Elle s’inflige à elle-même son propre châtiment. Le suicide est indiscutablement le fruit d’une douleur immense et je ne nie pas qu’il demande énormément de courage. Mais il s’agit malgré tout d’une fuite, qui laisse l’entourage dans la détresse la plus totale. Se remet-on jamais du suicide d’un proche ? Je ne le pense pas. Mais Emma ignore le véritable amour, je la crois incapable d’aimer, elle ne connaît que la passion, qui en est le simulacre. Non vraiment, je ne l’aime pas, Emma.

J'apprécie beaucoup, en revanche, l'interprétation de Charles tout en finesse qu'en a faite l'admirable Jean-François Balmer. Il figure tout en haut du panthéon des acteurs chers à mon coeur. Isabelle Huppert est admirable dans le rôle de sa vie. Elle est complètement habitée, envahie par le personnage d’Emma. Une actrice « folle de son rôle », comme l’a écrit si justement Télérama au moment de la sortie du film.

« […] et le chagrin s’engouffrait dans son âme avec des hurlements doux comme fait le vent d’hiver dans les châteaux abandonnés. » Décidément, je compatis au chagrin d’Emma, mais je ne l’aime pas.

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