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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 14:41


(...)

L’homme le fixa des yeux et répondit «  reprenons la marche voulez vous ? »

 

 

Sans rien dire et un peu éberlué par cette réponse, Guillaume finit sa gourde d’eau et reprit la marche.

Autant la première partie du chemin fut facile que la deuxième fut ardue et longue.

Ils trouvèrent là en début de la montée les chênes Kermes dont le feuillage acérés leur zébraient les jambes en laissant parfois des traces sanguinolentes, qui faisaient le délice des insectes nocturnes qui venaient s’y coller et se repaitre de ce sang chaud.

 

A mi montée Guillaume disparut un court instant et revint avec ses outres remplies d’eau fraiche

« je vous conseille d’attendre le sommet avant de boire, vous risqueriez de ne plus avoir de jambes  si vous étanchiez votre soif maintenant ! »

 

Le chemin emprunté n’avait de chemin que le nom, c’était un sentier crée par le passage répété des chèvres et parfois il n’empruntait pas la ligne droite, » sacré biquettes ! , elles savent économiser leur force pensa guillaume ».

 

La montée devint de plus en plus difficile et malgré la relative fraicheur de la nuit, nos deux voyageurs étaient en sueur. Ils firent une halte d’à peine quelques minutes pour retrouver le souffle qui leur manquait parfois et reprirent la marche ascensionnelle vers Nitable roc.

 

 

Enfin le sommet et ce roc majestueux qui surplombait la vallée. Quelle magnificence ! La nuit claire rendait ce lieu énigmatique et irréel. On sentait le vide proche, il provoquait comme une attirance funeste.

 

 

« Asseyons nous dit Guillaume ! Nous avons fait au moins 4 heures de marche, mais elles en valent au moins dix, il faut reprendre des forces, mangeons et reposons nous »

«  Ensuite nous reprendrons la route jusqu’au château de termes, le chemin est à couvert des arbres nous pourrons y arriver au lever du jour »

Heureusement la nuit était claire.

Guillaume prépara les couches en superposant des feuillages morts et des touffes d’herbes (rares il est vrai) et mis dessus deux drap de laine.

Il s’allongea et s’assoupit presque immédiatement

 

 


Il fut réveillé par des hurlements qu’il prit pour ceux d’une bête blessée ou prise dans un piège !

Il se leva d’un bond pour voir d’où provenaient ces hurlements inhumains ; il s’aperçut qu’ils sortaient de la gorge de son compagnon de voyage ; il s’approcha de lui et entendit distinctement «  lo gran mazèl, lo gran mazèl » (la grande boucherie)

« Ho ho ! réveilles toi mon ami  dit Guillaume à son compagnon »

« Tu fais un cauchemar !  Guillaume s’aperçut qu’il tutoyait son compagnon»

L’homme se réveilla, il tremblait, son corps était secoué de convulsions, comme celles qu’il avait eues le soir même au coucher du soleil !

L’homme regarda Guillaume, son regard était implorant, des larmes coulaient sur ses joues grises et toujours ces tremblements.

Guillaume pris sa gourde et lui donna à boire ; les convulsions s’arrêtèrent, le regard redevint sans âme et l’homme ne pleurait plus.

 

«  Ecoute dit Guillaume, il faut m’en dire plus ; qui es tu , que c’est il passé, pourquoi disait tu « la grande boucherie » pendant ton sommeil ?»

 

«  Guillaume, je crois que je peux te faire confiance, la voix de son interlocuteur était douce et posée »

« Je m’appelle Jean et je suis un parfait cathare »

 

Guillaume se souvint que le curé du village lui avait parlé  du prêche qu’avait fait un certain Dominique de Guzman deux ans auparavant vers Pamiers et qu’il avait parlé de ces hérétiques que l’on nommait cathares.

 

Cela avait toujours choqué Guillaume, que l’on nomme ces gens hérétiques car pour lui ces femmes et ces hommes étaient surtout des voisins, des gens qu’il côtoyait souvent, ils n’étaient pas querelleurs et n’imposait rien aux autres personnes surtout pas leur croyance. Pour faire partie de leur cercle, il fallait en faire la demande et puis après une période assez longue émaillée de jeûne et de méditation, il était procédé à la réception du récipiendaire ; ils appelaient cela le consolamentum d’ordination; Guillaume se souvint que le curé lui avait dit que chaque croyant pouvait demander au moment de sa mort à recevoir le consolamentum des mourants, celui-ci lui donnait la possibilité d’être reçu dans le royaume infiniment bon du seigneur tout puissant et ainsi de vivre dans l’amour retrouvé et non pas dans ce monde créé de toute pièce par Satan (cet ange déchu) ; ce monde fait de turpitudes et où nous étions tous obligés de vivre. Dominique de Guzman avait appelé cela le dualisme et se basait la dessus pour décréter les cathares hérétiques.

 

« mon enfant ce que je vais te raconter est la stricte et pure vérité, il faudra t’en souvenir et faire en sorte qu’elle se transmette , afin que toutes les femmes et hommes de cette terre sache ce que nous avons subi »

 

«  il y a deux jours de cela j’étais chez mon cousin Peir en sa bonne ville de Béziers, ville de notre seigneur Raimon-Roger de Trencavel. Nous apprîmes qu’une colonne de croisés s’approchait de la ville ; un émissaire des croisés avait vu notre évêque et lui avait part de la demande du seigneur Simon de Montfort : que lui soit livré les 222 bonshommes cathares et la ville et ses habitants seront épargnés »

Guillaume voulut interrompre mais le regard de Jean fut sans appel, il signifiait laisse moi terminer mon récit.

 


 

 

 

« Raimon Roger réunit les Capitouls et soumet la proposition faite par l’évêque ; la réponse ne se fit pas attendre, ce fut non, ces cathares sont nos voisins, nos amis, certains sont de nos familles, ils resteront en notre ville de Béziers , nous pouvons tenir un siège de plusieurs mois, nous avons de la nourriture et plusieurs sources d’eau pure dirent les habitants, de plus nous savons les dissensions dans les rangs des croisés puisqu’ils ont nommé un chevalier de moyenne extraction :Simon de Montfort a leur tête, d’ autres nobles ont terminé leur quarantaine et veulent rentrer chez eux »

L’évêque quitta la ville avec l’émissaire pour en faire part au seigneur Simon de Montfort.

Montfort reçu fort mal le refus des biterrois, il ordonna la levée du camp et la marche vers Béziers afin d’y établir le siège. Arnaud Amalric abbé de Citeaux assis près de lui fit part de son approbation en indiquant qu’il en ferait part à sa sainteté Innocent III

 

« je vis arriver cette colonne, reprit Jean, on eut dit une chenille monstrueuse et grotesque, hérissée de piquants, on la voyait de loin, la poussière qu’elle déplaçait était semblable à la fumée des incendies »

« Au devant étaient les croisés par ordre d’importance nobiliaire dit Jean, ensuite les serviteurs et soldats de ces croisés et puis arrivaient les routiers et mercenaires ; des hommes rompus aux combats dans les villes, ils avaient fait leurs preuves en massacrant à Constantinople tout ce qui pouvait avoir vie ! »

« La monstrueuse chenille arriva devant les murs de Béziers et se disloqua »

« Je vis alors les croisés pendre place sous leur tente montée par les serviteurs et se restaurer, les soldats étaient parqués derrière leur seigneur respectif et avaient pour mission première de razzier les paysans des fermes environnantes pour assurer l’intendance quotidienne »

 

« Ensuite continua Jean étaient les mercenaires et routiers, dans un désordre indescriptible, ce qui eut pour effet de faire sourire mes amis Biterrois « 

« Je les suppliais de ne pas se sentir au dessus des ces gens, j’essayais de leur faire comprendre en leur racontant les récits des méfaits de ses monstres, mais je vis dans les yeux des jeunes chevaliers qu’ils ne me croyaient pas »

 

« Guillaume mon enfant, dans mon cauchemar j’ai toujours le même mot qui revient « la grande boucherie » et tu vas comprendre pourquoi »

 

« je te demande de ne pas m’interrompre, le récit qui va suivre tu dois le retenir, je ne le dirais pas deux fois »

 

« malgré mes avertissements, les jeunes chevaliers Biterrois, surs d’eux  décidèrent de faire une sortie pour défier les chevaliers croisés ; mon pauvre Guillaume quelle erreur, quelle faute »

 

Les larmes commencèrent à couler sur les joues de Jean, mais il continua néanmoins : 

 

« Ils n’écoutèrent personne et demandèrent à ce que l’on ouvre les portes de la ville, ils sortirent et vinrent se mettre devant les croisés pour les défier »

« hélas Guillaume les mercenaires en profitèrent pour se ruer dans la brèche offerte par les portes restées trop longtemps ouvertes »

«  ils se rendirent maitres assez rapidement des biterrois laissés sans défense »

 

« Le chef des mercenaires demanda au légat du pape comment il reconnaitrait les hérétiques des bons chrétiens, "tugats les tots e Diù resconuisse los son!" « tuez les tous dieu reconnaitra les siens » oui tu entends bien Guillaume »

 

« Cet homme qui commandait les mercenaires était d’une force peu commune , il était très grand , toujours accompagné de deux femmes qui riaient sans cesse, et d’un homme de petite taille, ce dernier était rusé comme le renard, il était d’une férocité inhumaine »

 

«  Mon Guillaume ils ont obéi à Arnaud Amalric au delà toute raison , ils ont tués plus de la moitié des biterrois, je n’ai du mon salut qu’à la mission qui m’avait été confiée : prévenir les seigneurs d’Occitanie de ce qui s’est passé à Béziers »

 

 Devant le regard embué de larmes de Guillaume

 

 Jean lui dit « Je dois continuer, Guillaume, il faut que tu saches !  soit fort tu seras le témoin si il m’arrive quelque chose, ce fut la barbarie à l’état pur, aucune retenue , aucune charité chrétienne . Ils  se ruèrent dans la ville  en hurlant, terrifiants, bavant de rage, il ne firent pas de quartier, ils tuèrent femmes et enfants, vieillards, hommes ; ils éventrèrent les femmes enceintes pour tuer les enfants qu’elles portaient, ils violèrent sans distinction de sexe, d’âge, ils poursuivirent les habitants  jusque dans les églises sans respect du droit d’asile, l’église Saint Nazaire fut détruite , on a dit que dans la sacristie les croisés avaient du sang jusqu’ au chevilles, le sang coulait dans les rues, ils pillèrent et brulèrent : lo gran mazèl Guillaume la grande boucherie ! »

 

« Simon fit faire 100 prisonniers et les mit en rang de façon à former un colonne ; il ordonna que chacun mit la main sur l’épaule de celui qui le précédait. Cela fait , il fit arracher la langue et crever les yeux de 99 des prisonniers laissant sauf  le premier de la colonne pour qu’il puisse guider cette épouvantable et pitoyable preuve de la férocité et du châtiment qui était réservé à ceux qui n’obéiraient  pas aux ordres du  Pape  et donc de Simon »

 

« Pourquoi Seigneur, dit Jean en mettant ses mains dans son visage et pleurant doucement »

 

Guillaume fut pris de sueurs froides et des mêmes tremblements que ceux qu’avaient Jean tout à l’heure !

 

« Reprenons la marche nous dormirons au château de Termes plus tard dit

Guillaume, »

 

Les muscles durs et raides de la marche de la nuit , ils reprirent la marche vers le château de Termes, le chemin était en pente mais passait à côté d’à-pic dangereux, il fallait la connaissance parfaite de Guillaume pour ne pas se faire surprendre.

Au petit jour ils virent le château de Termes et pour la première fois Guillaume vit dans le regard de Jean, comme un apaisement et Guillaume se dit  « je vais pouvoir retrouver Jehanne » et entrepris la marche le cœur un peu plus léger.

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commentaires

J
Très belle histoire ... une suite peut être?
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